S’il s’agit de décrire la présence et le comportement remarquable voire héroïque en terme de résistance juive du noyau familial Lemberger-Skurnik pendant la Shoah à Paris entre 1940 et 1944, de la même manière que "Yom Ha Shoah" comprend un versant "Giborim" (héroïsme), le judaïsme européen comprend 2 versants très inégaux: la mort et la destruction (La Shoah) mais aussi, la résistance et l’héroïsme.
Et, pour être complet aussi, le sauvetage. Donc, il ne saurait être question dans un site même privé et familial, d’occulter cette triple réalité. Or 2 très importantes branches alliées de ce noyau résistant parisien correspondent avec fiabilité à cette réalité douloureuse et complexe. Le sort très significatif des membres de cette famille et alliés pendant cette période, en France et hors de France, est un miroir parfait de cette triple face de la période pour le judaïsme européen.
En tout premier lieu, la famille Poznanski-Skurnik (les parents et la famille de Reine Skurnik) qui a été en totalité exterminée par les nazis Moshé (Maurice Poznanski), originaire de Kielce a vu toute sa famille (parents, frères et sœurs) exterminée en quelques jours fin Août 1942 à Treblinka et Andjia (Annie) Szeniavska, originaire d’une petite ville de Haute Silésie Polonaise, aussi exterminée en 1942 à Auschwitz. Moshé a miraculeusement survécu après la liquidation du Ghetto de Kielce. Il a été déporté à Buna (Auschwitz 3), puis a survécu à la marche de la mort et a trouvé refuge d’abord dans un camp de déplacé en Allemagne, puis chez un lointain cousin à Paris après la guerre. Annie, elle a aussi survécu en se faisant passer pour une polonaise non juive, requis par le travail obligatoire en Allemagne.
Après la guerre, elle a trouvé refuge à Londres, elle aussi chez des cousins. Moshé et Annie, orphelins, un à Paris, l’autre à Londres, ont été réuni grâce à un shidour à Paris où ils se sont mariés.
La famille Skurnik de Varsovie (la famille de Menesze Skurnik) tous résidents en Pologne en 1939, sous l’influence du seul membre de la famille à avoir quitté la Pologne avant-guerre (Menesze) et militant actif du parti communiste Polonais et membre de l’internationale communiste, se sont tous réfugiés en Union Soviétique lors de l’occupation allemande.
Menesze avait 5 frères et Sœurs : Moshé, Mottle, Jonas, Rivka et Wladeck. Tous ont passé la totalité de la guerre en Asie Centrale Soviétique (en Ouzbekistan essentiellement). Ils ont tous survécu, eux et leurs enfants. Seuls sont décédés, la femme de Moshé et celle de Wladeck (Ida), de maladie.
Aucun d’entre eux n’a voulu retourner à Varsovie après la guerre.
Moshé et Wladeck se sont réfugiés à Paris où ils sont restés.
Sur ses vieux jours, Wladeck a rejoint sa fille (Bernadette) en Israël où elle avait fait son alya. Jonas et Rivka se sont réfugiés aussi à Paris puis ont immigré en Argentine. Jonas a ensuite fait son alya avec sa femme Paula et ses enfants (Rachel et Haïm). Rivka a fini ses jours en Argentine où ses enfants (Marek et Bebek) vivent encore.
Mottle lui aussi s’est réfugié à Paris puis a réémigré en Australie.
Il y a fait souche et ses enfants (Bella et Georges) y sont décédés. Leurs enfants et petits-enfants résident toujours en Australie où ils forment une famille nombreuses (à Melbourne).
Enfin, il faut mentionner le couple Annie et Paul Ruff.
Annie Ruff, née Borensztejn (Bornstein), était la cousine germaine de Jean, Serge, Norbert et Régine. Elle vivait à Paris avant l’arrivée de ses cousins de Pologne en 1936-37.
Il s’agissait d’une très brillante jeune fille qui a été envoyée en Espagne pour témoigner de la solidarité de la jeunesse française avec les républicains espagnols.
Elle a eu à son retour, un répétiteur pour la remettre au niveau sur le plan scolaire. Il s’agissait d’un jeune normalien : Paul Ruff.
Annie a eu une amourette avec Norbert Lemberger son cousin germain. Mais leurs parents ont exigé la rupture car ils étaient cousins. Ce qui a fait le bonheur de Paul Ruff qui, juste avant la guerre, a épousé Annie.
Quand la guerre a éclaté, le couple s’est réfugié en Algérie d’où était originaire Paul (né à Sidi Bel Abbès).
En 1942, Paul Ruff a joué un rôle majeur dans la prise d’Alger lors du débarquement des alliés le 9 et 10 novembre 1942.
Il a fait partie du petit groupe, avec Maurice Ayoun, Henri Aboulker et ses cousins, Raphaël et José, Jean Athias, André Morali-Daninos et le Capitaine Pilafort, notamment, qui a dirigé l’insurrection ayant permis le débarquement sans combat des Américains. Annie faisait aussi partie de ce groupe.
Pendant ce temps, en France et en Pologne, la totalité de la famille d’Annie a été exterminée. Il ne lui restait plus que sa fille Michèle, tragiquement disparue dans un accident de voiture, son mari et ses cousins résistants, les Lemberger et Skurnik de Paris.